UFC-Que Choisir de l'Ain

Consommation, Environnement

Le thon et l’émission « cash investigation »

Comme beaucoup de téléspectateurs, j’ai suivi le reportage de France 2 le 5 février 2019 à 21h10 qui s’intitulait « Gros poisson en eau trouble ».

Vous pouvez le revoir sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=GRvNZ5OqQac

Quelques données:

Il s’agit d’un documentaire relatif à la pêche du thon par des professionnels.
C’est un marché mondial de 33 milliards d’euros.
C’est 5 millions de tonnes pêchées dans le monde chaque année.
En 40 ans la moitié des stocks marins ont disparus, toutes espèces confondues;e thon est le poisson le plus consommé au monde ; rien que pour la France c’est 69 000 tonnes par an.

Le scénario que nous semblons vivre aujourd’hui me rappelle étrangement celui des années 80 concernant la morue.
Rappelez-vous sur le plateau continental entre le Canada et l’Écosse pendant des décennies nous avons pêché, pêché, pêché.
Au point que en 1993 un moratoire a du être mise en place parce que nous avions provoqué un effondrement de la ressource. En 1993 il ne restait que 5 % du stock naturel. Nous avions détruit 95 % de l’espèce.
En 2018 le stock n’est toujours pas reconstituer. 25 ans après la nature n’a pu corriger nos erreurs.

Ma question est la suivante va-t-on faire pour le thon, ce que nous avons fait pour le cabillaud (morue) ?

Je vous rapporte ici mes notes, prises en re-visionnant cette émission.

Il existe plusieurs catégories de thon, dont les principales sont : le thon blanc ou albacore si je ne me trompe, et le thon rouge.

Les journalistes qui ont réalisé ce reportage ont constaté que dans l’océan Indien la pêche au thon albacore se faisait dans les conditions impensables et que la taille moyenne des captures était de l’ordre de 50 cm ; ce qui veut dire que ces captures sont constituées principalement de juvéniles. C’est-à-dire d’individus qui n’ont pas eu le temps de se reproduire.

Des organismes internationaux qui tente de gérer cette ressource (IOTC et CTOI), nous apprenons que la masse du stock naturel de thon albacore est à 67,6 % du stock initial en 2016. Nous avons prélevé 32 % de plus que ce que nature est capable de régénérer. Nous avons prélevé 412 679 tonnes de thon albacore en 2017.

Pour ce qui est du thon rouge en zone sud (hémisphère sud) c’est encore pire. En 2017 il a été évalué que le stock était à un niveau estimé à 13 % de la biomasse du stock de reproducteurs initial.

Comment en est-on arrivé là ?

Le reportage nous montre ce qui se passe dans l’océan Indien à partir des Seychelles.

Des bateaux usine français et espagnols sont venus collecter 318 000 tonnes de thon albacore en 2017. Quasiment que des juvéniles, comme nous l’avons dit ci-dessus.

Depuis 20 ans la majorité des prises font moins de 10 kg à l’unité.

Ces navires utilisent une méthode assez spécifique. Ce sont les DCP, pour Dispositif de Concentration de Poisson. Avec quelques bouts de bois et de vieux filet il constituent ce que l’on pourrait appeler des épaves ou pièges, sous lesquelles les poissons viennent se réfugier. Des bouées électroniques renseignent le navire sur la quantité disponible et ce dernier vient alors encercler la zone avec ses filets, quand la masse vaut le déplacement.

Chaque navire peut suivre des centaines de DCP.

C’est un carnage écologique, un massacre , un professionnel disait nous sommes en train de vider les océans.

N’oublions pas de dire que les pêcheurs professionnels ne récupèrent même pas les DCP. Ces épaves vont constituer des déchets permanents qui pollueront les océans pour des dizaines, voir des centaines d’années et qui créent sur le milieu des agressions irréversibles (exemple sur la barrière de corail)

Pour le 2° producteur européen (ORTHONGEL) , 23 thoniers, 114 000 tonnes pour 204 millions d’euros de CA; Ils veulent bien laisser entendre que trop de DCP sont utilisés et ils préconisent des recherches pour rendre ces DCP autodestructibles. Vu le type de construction, nous pouvons avoir des doutes sur la finalité de ces recherches.

Un conseil : commencez par sortir de l’eau les DCP, après utilisation. Ce sera un bon début.

A quand nos politiques vont -ils se préoccuper de ce problème, même s’il ne se produit pas chez nous, c’est bien pour notre consommation que ces dégâts sont occasionnés à l’environnement.

La CTOI (commission Thon Océan Indien) diminue de 15% les quotas, diminue à 350 les DCP par bateau. Mais elle spécifie « des DCP actifs » , donc l’électronique arrive au secours des professionnels; les balises ne sont activées qu’à la demande, donc la loi est respectée. De qui se moque-t-on ?

Comment en est-on arrivé là ?

En partie grâce à nos impôts.

Oui, la Communauté EUROPÉENNE est, volontairement ou pas, complice de ces comportements inadmissibles.
Elle subventionne les pays qui acceptent de recevoir les bateaux dans leurs ports. Au mépris des petits pêcheurs locaux.
Le commissaire européen à la pêche, Mr VELLA, est réticent à répondre aux questions du journaliste.
La CE ne prend pas en compte, semble t il, les pavillons annexes, gérés par les patrons de la pêche européenne. Exemple les navires sous pavillon Libyen, ou Mauricien ou Seychellois.
Les plafonds de capacité sont ainsi largement détournés au détriment de la ressource actuelle et future.
Dans ce domaine les espagnols sont largement les champions.

A savoir
La marque « Petit Navire » est sous contrôle d’un trust coréen. Montage off shore et autre optimisation fiscale. Personne ne semble s’émouvoir ????, s’il y a lieu, car si c’est légal, alors……..

En 2000 la question se posait ainsi : La thon va t il disparaitre de Méditerrannée ?
Greenpeace alertait l’opinion.
Les pêcheurs PRO engageaient des actions violentes contre cette ONG et ses membres.
Il s’en est suivi, la mise en place de quotas, de contrôles et de périodes précises de pêche.
Résultats : 15 ans plus tard, le stock se reconstitue péniblement, mais la course à la disparition de la ressource dans cette mer fermée semble stoppée.

La situation sétoise (de la ville de Sète) est-elle scandaleuse ??
– Quelques familles de SETE se partagent 89 % des quotas nationaux. ????  4 ou 5 familles maximum.

  • Avec 20 bateaux, ils ramènent 3929 tonnes de thons.
  • 1 seule famille totalise 30% des quotas soit 1224 tonnes.
  • Leurs navires se sortent qu’un mois par an environ.

Il faut savoir qu’une seule tonne de thon se vendait en 2018, 10,000 euros, oui, dix mille euros.

  • Il reste 11% des quotas pour 122 bateaux, soit moins de 500 tonnes.
  • Les petits pêcheurs ont bien essayé d’aller en justice, mais c’est renvoyé au Tribunal Administratif de Montpellier. En cause la méthode des quotas, attachés à l’armateur et non pas au bateau. D’où un cumul inadmissible, d’autant que les quotas sont aussi liés aux prises des années précédentes. Donc qui a le plus pris, pourra encore plus prendre l’année suivante.

Autre scandale.
Les propriétaires armateurs de ces 20 bateaux, ont aussi à titre personnel des petits bateaux. Non content d’avoir 89% des quotas, ils viennent « pomper » les quotas des petits patrons pêcheurs. Ce n’est plus 89%, mais peut être bien 95% des quotas qu’ils s’octroient.

Notez aussi que certains sont inquiétés par la justice, pour non-déclaration de prises, ou déclarations erronées….. Mais là, étonnamment, la justice n’est pas rapide.

Je me suis bien gardé de penser à un système mafieux.

Les journalistes sont aussi partis sur une autre piste intéressante. L’association BLOUM (https://www.bloomassociation.org )  dénonce :

LES AIDES PUBLIQUES

  • En 22 ans, ce sont des milliers de subventions versées, pour 1,5 MILLIARDS d’euros.
  • Pour le thon rouge c’est 32 millions d’euros pour 40 bateaux et 20 familles.
  • L’Union Européenne finance avec ces aides, la construction, la modernisation et la sortie de flotte.
  • exemple : un bateau construit en 2005, sortie de flotte en 2016, a encaissé 2,5 millions d’euros.
  • Question : existe t il une autre profession qui vit de nos impôts, comme celle là ???

Avant d’en finir avec ce reportage, et de vous laisser le visionner, deux recommandations

Lorsque vous achetez du thon; Privilégiez la pêche à l’hameçon, à la ligne ou à la conne.
Si ce n’est pas indiqué, interrogez le poissonnier.

Je me permettrais aussi de vous conseiller la lecture de cette page internet : https://www.bloomassociation.org/nos-actions/nos-themes/mieux-consommer/ .

Notre lutte doit se poursuivre, grâce aux évolutions de nos attitudes de consommateurs avertis et engagés, et en le faisant savoir à nos commerçants, pour qu’eux aussi agissent vers leurs fournisseurs.

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